mercredi 7 octobre 2009

Affaire Vioxx: les médecins dans le collimateur du groupe pharmaceutique Merck !


Une entreprise pharmaceutique internationale a dressé une liste noire des médecins qui doivent être « neutralisés » ou discrédités, en raison de leurs positions critiques sur le produit de ce géant pharmaceutique destiné à soigner l’arthrite.
Le personnel de la branche américaine de la Merck & Co a fait circuler par courrier électronique au sein de l’entreprise une liste de médecins - pour la plupart des chercheurs et académiciens – ayant manifesté une attitude critique envers le Vioxx ou l’entreprise elle-même, et tous ont été exhortés à agir.
Présenté hier devant la Cour Fédérale de Melbourne dans le cadre d’une action collective, le courriel en question faisait usage des termes « neutraliser », « neutralisés », ou « discrédités ». Et il faut souligner que ces termes étaient reliés aux noms de certains médecins.
Il se dit également que l’entreprise pharmaceutique aurait eu recours à l’intimidation


à l’endroit des chercheurs. Parmi les méthodes employées, l’on peut citer des allusions à une cessation du financement destiné à certains instituts et des propos relatifs au poids qu’elle pourrait faire dans des nominations à des fonctions académiques.
« Nous devons les pourchasser où qu’ils soient, et leur nuire jusque dans leurs domiciles », tels sont les propos d’un employé de la Merck, extraits du fameux courriel lu devant le tribunal par Julan Burnside, Avocat de la couronne, agissant pour la partie demanderesse.
La Merk & Co et sa filiale australienne Merck, Sharpe and Dohme doivent répondre de leurs faits dans le cadre d’un procès que leur a intenté plus d’un millier d’Australiens. Ces derniers affirment avoir eu des accidents ou attaques cardiovasculaires du fait de la prise du Vioxx.


Lancé en 1999, le médicament a connu un succès fulgurant. De par le monde, 80 millions d’individus utilisaient le Vioxx, car il ne provoquait pas des problèmes d’estomac comme c’était le cas des autres anti-inflammatoires.
Ce produit a néanmoins été volontairement retiré du marché en 2004, à la suite des suspicions émises sur les risques de maladies cardiovasculaires liées à sa prise et au fait que des tests cliniques d’essai auraient été annulés pour des raisons de sécurité.
Le principal plaignant, Graeme Peterson, 58 ans, déclare avoir eu une attaque cardiaque en 2003 après avoir pris du Vioxx chaque jour depuis mai 2001 pour soigner des douleurs de dos et l’arthrite
L’an dernier, la Merck a réglé des centaines de contentieux judiciaires aux Etats-Unis relatifs aux effets secondaires du Vioxx. Même si elle ne s’est jamais reconnue coupable, elle a néanmoins déboursé 4,8 milliards de dollars (soit 7,14 dollars australiens).
L’entreprise est en ce moment au cœur d’une action collective en Australie.
La Cour Fédérale a été informée hier de ce que la Merck, au moment où elle lançait son produit en 1999, avait sollicité le soutien des chercheurs et des médecins, ou des « leaders d’opinion » du domaine de l’arthrite, afin de l’aider à faire la promotion du médicament auprès des professionnels de la santé.
Pour Me Burnside, les courriels échangés au sein de l’entreprise en avril 1999 illustrent la désapprobation de la Merck vis-à-vis des propos tenus par certains chercheurs et médecins à l’égard de leur produit.
« Cette situation donne un aperçu des inconvénients que l’on a à se servir des principaux leaders d’opinion et chefs de files... s’ils se mettent à dire des choses que vous ne voulez pas entendre, vous devez les faire taire. » a-t-il affirmé. Et Me Burnside d’ajouter : « Cet état des choses montre qu’il existe au sein de cette entreprise une certaine manière de considérer leurs concurrents et ceux qui tiennent un discours contraire au leur. »
D’après les informations reçues par la Cour, James Fries, professeur de médecine à l’Université de Stanford, aurait écrit à Ray Gilmartin en octobre 2000, alors patron de la Merck, pour se plaindre du traitement infligé à certains de ces chercheurs qui auraient critiqué le médicament.
« Pire encore, il existe des allégations selon lesquelles la Merck aurait saboté le contrôle du produit en procédant par intimidation », des propos de Fries rapportés par Me Burnside.
« C’est le sort qu’ont connu au moins huit inspecteurs (médicaux)... Je suppose qu’ils y sont allés en douceur lorsqu’ils m’ont menacé, mais je n’ai jamais dit, ni écrit quoi que ce soit à ce sujet. »
Me Burnside a déclaré à la Cour que le Dr Fries a poursuivi, en relatant des cas d’intimidation, parmi lesquels celui de l’un de ses collègues qui a cru que sa promotion avait été compromise, ou celui d’un autre qui recevait des coups de fils faisant allusion à ses penchants « anti-Merck ».
En outre, le Dr Fries a dit dans cette lettre que la Merck a sans cesse minimisé les effets secondaires du Vioxx et affirmé que l’attitude de cette entreprise « empiète gravement sur la liberté académique.
En plus, la Cour a été informée de ce qu’un rhumatologue du comité consultatif de la Merck se serait fâché de ne pas voir la Merck se décider à retirer le Vioxx du marché, jusqu’à ce qu’un journaliste de la ABC l’appelle pour le lui dire. Me Burnside a affirmé que James Bertouch a écrit aux membres du conseil, leur signifiant à quel point il était « désillusionné » par l’entreprise.

D’après Me Burnside, voici ce qu’il a écrit : « l’entreprise a fait tout son possible pour donner au monde l’impression que le Vioxx n’accélérait pas les risques d’attaques cardiaques... alors que (a) c’est sûrement ce qu’il fera et (b) c’est probablement ce qui s’est produit. »
L’avocat de la Merck, Peter Garling, a accusé M. Peterson, lui reprochant de n’avoir pas pris le Vioxx au cours des mois qui ont précédé son attaque cardiovasculaire survenu en décembre 2003.
Il a cité le Phamarceutical Benefits Scheme, d’après lequel M. Peterson n’aurait pas souscrit pour une prescription pour le médicament au cours des deux mois qui ont précédé son attaque.

Me Garling, pendant son interrogatoire, a fait savoir à M. Peterson que les choses s’étaient passées ainsi parce qu’il avait pris sa retraite en tant que consultant en questions sécuritaires, et par conséquent ne ressentait plus le besoin de prendre du Vioxx, vu que ses douleurs de dos s’étaient calmées.
D’après M. Peterson, le fait d’être à la retraite ne l’empêchait pas de continuer à prendre du Vioxx. « Non ! » s’est-il écrié, « c’est inexact. » « Je me souviens que je prenais du Vioxx régulièrement. » Le procès est en cours, devant le Juge Chris Jessop.



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